Villa Arson a Nizza ospita una bella mostra su Gianfranco Baruchello, con una selezione molto articolata del suo lavoro.
CS
Peu d’artistes ont, comme lui, traversé le vingtième siècle avec
suffisamment d’énergie pour en apporter au nôtre. Pour Gianfranco
Baruchello, qui a jadis conduit Marcel Duchamp à Rome dans une Ferrari
roulant à plein régime, il s’agit pourtant d’une énergie douce, durable,
qui irrigue ses tableaux, ses sculptures, films et performances. Non
pas « timide », comme celle de l’inventeur du ready-made, mais une
énergie du minuscule et du détail.
Si Baruchello m’apparaît si important, et par contraste si méconnu,
c’est avant tout parce que son oeuvre propose un régime spatial d’une
immense originalité. Et parce que sa manière de fragmenter le monde, de
le dilater à l’infini, résonne tout particulièrement à notre époque :
les œuvres de Baruchello représentent des archipels de pensées, des
circuits de formes, bref, très exactement ce que l’on peut percevoir
dans les « formes-trajets » des artistes les plus intéressants de la
nouvelle génération.
Si l’artiste italien, après avoir eu tant d’avance, semble enfin
coïncider avec son temps, c’est aussi en raison de l’utopie concrète et
écologique d’Agricola Cornelia, l’exploitation agricole en forme de
projet artistique qu’il a fondé en 1973, qui a produit autant de formes
novatrices que de légumes et de lait.
Militant, poète, cinéaste, peintre, définitivement inclassable,
Baruchello fait partie de cette génération d’artistes (il est né en
1924) pour qui l’art était avant tout une forme de vie, et dans son cas
précis un bolide expérimental lancé sur les routes de l’existence.
Immense fresque pulvérisée en micro-détails, son oeuvre se présente
comme un attentat contre tout ce qui est massif, continental,
autoritaire : sa pensée fragmentaire, faite de notes et commentaires en
bas de page du livre de la modernité, semble proposer une transition
durable entre celle-ci et le monde contemporain.
Puisque l’époque semble enfin prête, nous pouvons revoir le siècle avec Gianfranco Baruchello.
La Villa Arson m’a invité pour être le commissaire de cette
rétrospective, trois ans après l’exposition que j’avais organisée au
Palais des Beaux-Arts de Paris autour d’Agricola Cornelia.